13.02.2024

La genèse de la facilitation, dans l’univers du design : facilitateur ≠ designer

Pour bien comprendre comment nous, designers, utilisons la facilitation, il faut comprendre comment cette pratique est arrivée dans notre quotidien.

Comprendre et maîtriser la matière première

Revenons aux pratiques plus traditionnelles et connues de tous lorsqu’il s’agit de design - en nous appuyant sur le design d’objet.

Le designer ici n’est pas simplement un dessinateur de forme, de style ou encore de tendance - il fait le pont entre l’ingénierie et l’usage. Dit autrement, il comprend et maîtrise les données techniques liées à son secteur/domaine pour en proposer des mises en forme adaptées et pertinentes pour les futurs usagers/clients/destinataires.

Par exemple, pour en arriver à fabriquer une assise, il analyse les besoins des futurs usagers, intègre les contraintes (économiques, structurelles, contextuelles, etc.), étudie les matériaux pertinents et leurs caractéristiques techniques/mécaniques, réalise des ébauches, puis procède à des tests via le prototypage pour (in)valider les artefacts en fonction des retours d’expériences, pour déboucher vers une solution optimale éprouvée.

Tout ce processus reste ancré, encore aujourd’hui, dans la culture du design, même au sein des nouvelles pratiques du design comme l’UX design, le design de service, et bien d‘autres. Le design et les designers se sont naturellement adaptés aux besoins sociaux, sociétaux du marché et au changement de paradigme (cf. l’éclipse de l’objet, Alain Findeli) en abordant le monde via le prisme du service (et plus seulement celui du produit).

Aujourd’hui, le designer doit, comme dans sa pratique traditionnelle, maîtriser les données techniques/mécaniques - sa matière première. À travers le prisme aujourd’hui du service et de l’expérience, le designer se doit de comprendre et d’aller chercher ces données à la source… les usagers. La matière première ici est représentée par des données de perception, d’usage, de comportement et d’interaction.

En somme, des données liées à l’humain et à ses interactions sociales, personnelles, psychologiques, numériques/mécaniques, et bien d’autres. Et pour s’en emparer, le designer a recours à tout un panel d’outils et de techniques piochées au sein de diverses disciplines (sciences sociales, ergonomie, développement web, éducation populaire, etc.) et d’autres construites au fil du temps et des expériences. Et c’est dans ce contexte, que la facilitation d’atelier apparaît dans le champ du design, pour sa capacité de récolte d’information, de données qualitatives auprès des parties prenantes.

L’atelier… réponse et format idéal pour des projets à impacts

Nous avons rapidement vu plus haut en quoi l’atelier peut être intéressant dans la pratique du design. Par ailleurs, l’atelier est devenu un format ultra-populaire depuis quelques années maintenant, et ceux au sein de tout type d’organisation partout à travers le monde.

On a vu les plus grandes entreprises s’en emparer et se l’approprier, comme pour les plus connues Google et Lego. Le secteur public ne faisant pas exception, les gouvernements et les collectivités en font également usage. Et ceux pour de nombreuses raisons !

Ces organisations ont pour beaucoup, à leurs débuts, souhaité revoir le format de la réunion, du moment de travail collectif - pour contrer parfois, l’effet réunionnite que peuvent connaître certaines d’entre elles. D’autres sont allées plus loin et ont compris que la maîtrise des principes de l’intelligence collective pouvait devenir un Game Changer dans l’efficacité organisationnelle et dans la performance de leurs services et produits (internes et externes).

Le format d’atelier est aujourd’hui utilisé pour construire des produits et services (numérique), refaire votre stratégie marketing, redessiner la vision collective de votre entreprise/collectivité/association, reboot votre personal branding, construire un outil métier, ou encore construire certains aspects d’une politique/action publique.

Bref ! Ce format est partout, et il est parfois difficile de comprendre pourquoi nous faisons un atelier et pas une réunion ou quelque chose de plus simple/classique.

Tout dépend de la stratégie que vous souhaitez engager, et pour quels résultats. Je ne vous dirai qu’une seule chose…pour le reste, votre prestataire ou votre facilitateur.rice interne vous répondra.

L’atelier (en design) est intrinsèquement tourné vers le concret.

Que ça soit pour la prise de décision, la récolte d’informations, le test et le prototypage, etc. - L’atelier concrétise ! Il y a une notion de résultat qui est attendu.

Un atelier sans résultat, sans avancement, sans gain particulier, n’est rien d’autre qu’une réunion classique à laquelle vous avez probablement déjà l’habitude de participer.

L’atelier est un levier pertinent pour faire travailler les gens ensemble, casser les silos et accélérer les projets/sujets internes et externes.

Le facilitateur… définition

Le faciliteur ou la facilitatrice est une personne qui peut intégrer un groupe où quelque chose doit être achevé, atteint et facilité pour que les objectifs définis en amont soient atteints dans un cadre qui permet une construction et une réflexion globale, incluant tous les points de vue essentiels et garant de la qualité future des éléments qui en découleront.

Un facilitateur est un acteur/personne tierce qui ne prend pas parti ! Vous êtes un guide (non le héros) qui permet au.x héros (les participants) d’achever sa quête. Vous offrez le Framework (cadre de travail) pour atteindre les objectifs ! vous n’êtes pas là comme consultant avec un discours du type “vous devez faire ceci, ou cela” - vous facilitez la réflexion et la construction du travail collectif d’un groupe, pour que les informations deviennent digestes et servent les objectifs de l’atelier (stratégie, retour d’expérience, prise de décision, co-construction, récolte de données ciblées, et bien d’autres).

Vous comprendrez que la facilitation n’est pas seulement une affaire de designer. Elle n’est pas non plus un acquis après avoir lu un livre sur le sujet, ou après avoir fait une réunion avec des exercices Fun. C’est essentiellement à travers la pratique concrète, la répétition, l’expérimentation que l’on affute son expertise - et surtout, que l’on s’approprie les principes et les notions pour les faire nôtres.

Il existe un grand nombre de types de facilitateurs, sous différents intitulés : coach agile, design thinking coach, project leads, project managers, scrum manager souvent présents dans les grandes entreprises et les startups. Des intitulés qui peuvent cachés des personnes qui facilitent l’échange et le travail collectif en interne. En dehors des organisations, il existe des indépendants qui facilitent des leadership retreat, product challenges, Team building exercices, et bien d’autres (désolé pour tous ces anglicismes, mais c’est un métier qui est plus largement développé dans les entreprises anglo-saxonnes) - Il sont considérer comme des facilitateurs généralistes.

Vous retrouverez également des facilitateurs spécialisés sur des sujets, des secteurs. Comme par exemple chez design & territoire nous sommes spécialisé en stratégie et service design. Certaines personnes sont des ultra-spécialistes dans par exemple le secteur de la santé, dans la psychologie, etc. ce qui demande néanmoins une compréhension du secteur et de leurs langages.

Le facilitateur vs le designer

Si vous lisez ces dernières lignes, vous avez certainement compris la place de chacun et ce qui les différencie. Mais ne prenons rien pour acquis !

Petite parenthèse, parfois le designer prend le rôle du facilitateur (lors qu’il en a les compétences) et peut donc incarner les deux rôles selon la mission. Mais pour simplifier l’explication, disons que le facilitateur n’est pas designer (n’a pas fait d’étude de design) et que le designer incarne ce rôle uniquement.

Ils apportent tous les deux une plus value certaine et utilisent parfois les mêmes approches, outils, vocabulaire. Mais ne vous y trompez pas, ils ne travaillent pas pour les mêmes objectifs, n’ont pas la même culture, n’ont pas les mêmes compétences et n’ont pas la même place/rôle dans la chaîne de valeur.

Le facilitateur a pour mission d’aider le groupe à effectuer un travail efficace, avec un fort impact. Il doit s’assurer que toutes les personnes présentes dans la salle soient entendues et doit s’assurer qu’il y a un résultat concret à chaque fois qu’un groupe se réunit. L’objectif d’un bon facilitateur est d’encourager les participants à réfléchir de manière productive et, finalement, à articuler des idées clés, à poser des questions vitales, à découvrir des variables, à trouver des solutions et/ou à identifier des actions productives, et non à résoudre le défi de l’équipe.

Le designer, lui, a pour objectif premier, la conception d’une ou plusieurs solutions devant répondre à une demande claire, à un cahier des charges. Une mise en forme, un résultat concret, répondant à des enjeux, des objectifs doit être poursuivie et livrée. Dans ce cadre, il peut utiliser le format d’atelier (et par conséquent la facilitation) pour récolter les données nécessaires pour réaliser son travail - toujours dans un objectif de mise en forme d’une solution qui répond au cahier des charges donné.

Pour le designer, la facilitation d’atelier est un moyen et une étape dans son processus de projet, alors que pour le facilitateur l’atelier est une réponse (je grossis bien sur les traits, désolé).

Je me répète, mais tant pis. Ils sont tous deux pertinents, mais pour différents objectifs, besoins et enjeux.

J'espère que cet article a permis d'aider à la compréhension de certains (même si ce dernier en reste une vulgarisation).

autres contenus —